L’ordonnance Travail de 2017 a introduit le plafonnement des indemnités pour les licenciements abusifs et ce fut l’un des points immédiatement décrié aussi bien par l’opposition que par les syndicats et l’opinion publique.

Aussi appelé le « Barème Macron », il s’agit d’une disposition introduite par les ordonnances de 2017 visant à encadrer les sommes auxquelles peuvent prétendre les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse.

Depuis son entrée en vigueur, la disposition n’a pas cessé d’être au cœur de l’actualité, notamment durant l’année 2018 lorsque de nombreux Conseils des prudhommes ont décidé de se liguer contre « le barème macron » accusé d’être contraire aux conventions européennes, notamment la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, mais aussi à l’article 24 de la Charte sociale européenne.

En effet, le Conseil des prudhommes de Troyes, celui d’Amiens mais aussi celui de Lyon ont fait le choix en 2018 de ne pas appliquer le barème dans leurs décisions, arguant que celui-ci violerait les textes européens, qui prévoient notamment qu’il revient aux juridictions nationales d’ordonner le versement d’une indemnité adéquate proportionnelle au préjudice subit.

Pour les conseils prudhommaux, le barème en fixant les sommes à l’avance porte atteinte non seulement au principe d’indemnité adéquate, mais aussi à l’habilitation confiée aux juridictions nationales de  déterminer l’indemnité en cas de licenciement.

Les prudhommes à l’assaut du barème Macron ?

Si les décisions prises par les conseils de prudhommes ont eu l’effet d’une bombe sur la scène juridique, c’est aussi à cause du contexte de l’époque. En effet, les Ordonnances Travail de 2017 ont été prises dans un contexte de tension politique très forte, ce qui a entrainé notamment de nombreuses manifestations partout en France.

Les décisions des conseils prudhommaux ont donc été perçues comme des décisions à caractère politique, une forme de révolte des prudhommes visant à affaiblir les actions du  gouvernement en place. Sans oublier que les décisions ont étés prises malgré les recommandations du Conseil constitutionnel en faveur du barème, déclarant qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le plafonnement et le principe d’indemnité adéquate.

Ainsi, « Troyes-Amiens-Lyon » en décidant tout de même de ne pas appliquer le barème sur exactement le même principe d’indemnité adéquate utilisé par le Conseil constitutionnel montrait-il non seulement, qu’ils ne prenaient guère en compte  des recommandations du Conseil constitutionnel mais aussi faisait craindre une contagion des autres conseils de prudhommes.

La question qui s’est posée à l’époque était de savoir si ces décisions sonnaient le glas du barème, était-ce effectivement la fin du barème Macron ?

A ce stade rien n’était joué, car non seulement le Conseil des prudhommes du Mans avait pris par la suite une décision complètement opposée à « Troyes-Amiens-Lyon » dans laquelle il décidait d’appliquer le barème, réduisant à néant l’illusion d’un consensus national, mais aussi parce que la Cour de cassation, la seule juridiction la plus à même d’unifier la jurisprudence, ne s’était pas encore prononcée.

Dans ce contexte, employés et salariés étaient dans le flou et attendaient impatiemment une réponse de la Haute juridiction.

Verdict !

C’est le 17 juillet 2019 que la Cour de cassation a pris la décision de se prononcer dans sa formation la plus solennelle. En effet, la Cour de cassation s’est enfin réunie en formation plénière suite à une demande d’avis des conseils prudhommaux de Louvriers et de Toulouse au sujet de la conformité aux conventions internationales du barème encadrant le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif. Ainsi, sur la même lancée que le Conseil Constitutionnel, la Cour de cassation déclare-t-elle que les dispositions qui prévoient le plafonnement d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n°158 de l’organisation du travail.

La fin de la résistance ?

Si cet avis ne laisse pas planer de doute quant à la position de la Cour de cassation, il est toutefois incorrect de penser que cet avis clôt définitivement le débat, car tout d’abord, les avis de la Cour de cassation n’ont qu’une visée consultative que les juges ne sont pas tenus de suivre. Puis même si la Cour de cassation se prononce à nouveau en faveur du barème, il ne serait pas surprenant que des Conseils de prudhommes, mais aussi des Cours d’appel puissent faire de la résistance. D’ailleurs preuve s’il en fallait, le Conseil des prudhommes de Grenoble s’est prononcée le 22 juillet 2019 contre le barème Macron.

Cette décision intervient une semaine seulement après l’avis de cassation, remettant en cause les certitudes que l’on aurait pu croire établi avec l’avis de la Cour de cassation, et renforçant par la même occasion la résistance des Conseils de prudhommes. D’autant plus que pour les plus acharnés, il reste toujours la possibilité de recourir à l’axe communautaire et européen pour mettre en échec le barème, si jamais la Cour de cassation décidait de persister dans son raisonnement.

A ce stade, il convient donc d’attendre les prochaines décisions aussi bien de la Cour de cassation que de la Cour de justice de l’Union Européenne pour enfin avoir une réponse claire et précise au sujet de l’avenir du barème de la controverse ;

D’ici là le doute subsiste, au plus grand désarroi des employeurs et des salariés.

Me Lysa HALIMI