Après le Conseil des prud’hommes de Troyes le 13 décembre et celui d’Amiens le 19 décembre 2018, voilà qu’une autre juridiction apporte sa pierre à l’édifice contre le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif.

En effet, le Conseil des prud’hommes de Lyon a rendu le 21 décembre 2018 une décision très critique à l’égard du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif.  Apportant du grain à moudre aux détracteurs de cette mesure phare des ordonnances Travail de 2017 : le barème Macron.

Hasard ou décision calculée, dans le contexte politique actuel, les opposants du gouvernement y voient des décisions politiques en leur faveur, mais il n’en est rien, car si la décision de ces juridictions remet en question le barème Macron, il n’existe pas encore pour l’instant un consensus entre elles. On peut notamment citer la décision du Conseil des prud’hommes du Mans du 26 décembre qui a reconnu exactement l’inverse et a décidé d’appliquer le barème.

Le barème de la controverse

Pour comprendre cette controverse il convient de voir la situation avant et après les ordonnances Travail 2017.

Avant les ordonnances, les juges avaient la liberté de déterminer le montant pour indemniser le préjudice du salarié victime de licenciement abusif.

Plusieurs éléments étaient pris en compte par le juge pour établir le montant adéquat pour réparer le préjudice :  l’âge, la situation professionnelle et familiale de la victime … plus le licenciement abusif dégradait la situation du salarié et plus le montant de l’indemnité était élevé.

Aujourd’hui avec les ordonnances, le plafonnement des indemnités retire aux juges cette liberté de fixation du montant des dommages et intérêts.

La législation actuelle plafonne les indemnités à 3 mois de salaires pour le salarié ayant 2 ans d’ancienneté et jusqu’à 20 mois de salaire pour le salarié ayant plus de 30 ans d’ancienneté.

Ce plafonnement a eu pour conséquence de non seulement réduire les sommes qui étaient généralement allouées au salarié et de décourager ainsi ce dernier à porter ses prétentions devant le juge compte tenu des sommes dérisoires auxquelles il peut prétendre.

L’autre critique récurrente contre le barème est qu’il inciterait les entreprises à recourir plus souvent au licenciement abusif car pouvant prévoir le coût à l’avance et de ce fait anticiper les pertes.

Il est important de rappeler que les règles du barème ne s’appliquent pas quand le salarié a été victime de harcèlement, discrimination ou de violation d’une de ses libertés fondamentales.

Le bras de fer entre les pouvoirs

Tout l’enjeu de ces décisions des Conseils prud’homaux est la réaffirmation de leur pouvoir de détermination des montants des indemnités prud’homales qui leur a été enlevé par les ordonnances Travail de 2017.

Selon les juges, la loi sur le plafonnement issu de ces ordonnances et une violation de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail ratifiée en 1989. Cette convention prévoit que les juridictions nationales doivent être habilitées à « ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute forme de réparation considérée comme appropriée »  faisant écho à l’article 24 de la Charte sociale européenne qui consacre le «  droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou une autre réparation appropriée ». Hors, le plafonnement ne permet plus selon les juges d’ordonner une indemnité adéquate au préjudice.

Sauf que le Conseil constitutionnel a déjà été amené à se prononcer sur la question de la compatibilité entre le barème et les conventions internationales, il avait alors jugé qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le plafonnement et le principe d’indemnité adéquate.

Il semblerait donc que l’avis du Conseil constitutionnel n’ait pas réussi à convaincre les juges qui, il faut le rappeler, restent libre d’écarter une loi qu’ils estimeraient non compatible avec une norme internationale.

La fin du barème Macron ?

A ce stade on ne peut pas se prononcer avec certitude. S’il est évident que certains conseils s’aligneront sur la trilogie « Troyes-Amiens-Lyon », il ne serait pas surprenant de voir certains conseils opter pour la jurisprudence du Mans. Laisse place alors à l’incertitude jusqu’à une prochaine décision de la Cour de cassation qui est la seule à même d’unifier la jurisprudence. En attendant employeurs comme salariés n’ont d’autres choix que d’attendre et espérer que la Cour de cassation tranche en leur faveur.

Me Lysa HALIMI

Avocat à la Cour