La Chambre sociale de la Cour de cassation revient dans un arrêt du 20 février 2019 sur le cas du licenciement d’un salarié pendant sa période de suspension pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Qu’est-ce que la période de suspension du contrat de travail ?

A cause d’un aléa professionnel, un salarié peut être victime d’un accident de travail de travail ou d’une maladie professionnelle rendant alors l’exécution du contrat de travail impossible. Dès lors, le salarié bénéficie d’un temps de repos pour qu’il soit apte à travailler de nouveau.

Le salarié suspendu a-t-il des obligations vis-à-vis de son employeur ?

La Cour de cassation vient définir les obligations respectives pour les parties pendant la période de suspension du contrat de travail.

En effet, la période de suspension du contrat de travail est une exception au régime d’application normal du contrat de travail. En ce sens que, dans cette période l’exécution des obligations contractuelles du cocontractant ne sera plus requise même si le salarié reste dans une relation professionnelle avec l’employeur. Il s’agit d’une suspension de l’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation retient que « la suspension du contrat de travail provoqué par la maladie ou l’accident professionnels (…) dispense en revanche le salarié de son obligation de fournir sa prestation de travail, de sorte qu’il ne saurait être tenu, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l’employeur » (Cass. Soc, 20 février 2019, n°17-18912).

L’employeur peut-il licencier le salarié pendant la période de suspension ?

L’employeur ne peut pas faire un usage abusif de son pouvoir de licenciement sur le salarié pendant la période de suspension. Etant donné que cette période est de nature exceptionnelle, l’inexécution de la prestation par le salarié pendant la suspension du contrat de travail ne donne pas le droit à l’employeur de licencier le salarié pour faute professionnelle. Bien au contraire, le salarié doit être garanti contre le licenciement pour les désagréments sociaux et économiques que pourrait subir l’employeur du fait de la suspension de l’exécution professionnelle du salarié pour cause de maladie professionnel ou accident de travail. Le licenciement sur ce fondement sera annulé par les juges et le salarié devra être réintégré dans son poste, s’il le souhaite, sinon il pourra percevoir une indemnité de rupture et une indemnité à cause du caractère illicite du licenciement. Ainsi, le salarié bénéficie-t-il d’une protection large pendant toute la période de suspension et ce, jusqu’à la visite de reprise du médecin du travail, à condition toutefois que la visite soit obligatoire.

Pour autant, pendant la période de suspension, le salarié ne saurait être intouchable du fait de sa situation d’exception. En effet, l’employeur pourra toujours licencier le salarié pour deux types de motifs :

  • pour faute grave
  • pour un motif étranger rendant impossible la poursuite du contrat de travail

Qu’est-ce qu’un motif rendant impossible la poursuite du contrat de travail ?

La Cour de cassation a eu plusieurs occasions pour définir ce qu’elle entend par « motif rendant impossible la poursuite du contrat de travail ».

Sur une question de licenciement économique, la Cour de cassation a pu retenir ce principe. Dans cet arrêt, un salarié d’une société de vente de boissons avait fait l’objet d’une suspension de son contrat de travail pour cause d’accident du travail. L’employeur l’a licencié pour motif économique car il justifiait que le salaire était trop important par rapport à la situation économique et ne lui permettait plus d’être compétitif. Même si sur le plan économique le licenciement pouvait se justifier, la Cour de cassation retient que le licenciement est abusif car ce seul fondement économique ne permet pas de caractériser « l’impossibilitéde poursuivre le contrat de travail » (Cour de cassation, chambre sociale, 3 octobre 2018, n°17-16.474). Ainsi, le motif économique ne saurait-il constituer à lui seul un motif de licenciement valable car l’employeur doit prouver l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail.

La Cour de cassation a eu l’occasion dans un arrêt plus récent de préciser cette notion. Il s’agit d’un un sportif professionnel qui, après une maladie professionnelle, a bénéficié d’une période de suspension de son contrat de travail. Il lui est reproché par son employeur de ne pas respecter son obligation de loyauté à laquelle il aurait dû se tenir car « la suspension du contrat de travail provoqué par la maladie ou l’accident professionnels ne fait pas obstacle au maintien d’uneobligation de loyautédu salarié à l’égard de l’employeur » (Cass. Soc, 20 février 2019, n°17-18912). L’obligation de loyauté se matérialisait pour le sportif par le fait d’honorer: « le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et qu’il n’était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins ». Dans ce cas, le sportif a manqué à une obligation professionnelle vis-à-vis de son club en ne respectant pas cette diligence de soins.

La Cour de cassation fait droit à la demande de l’employeur en qualifiant le manquement à une obligation de loyauté justifiant que le salarié soit licencié pour un motif étranger rendant la poursuite du contrat de travail impossible. Le manquement à une obligation de loyauté a été jugée incompatible avec la poursuite du contrat de travail.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient préciser les faits justifiants le licenciement pendant la période de suspension. Dans le cas présent, la Cour de cassation retient que l’obligation de loyauté demeure pendant la période de suspension du contrat de travail et son manquement justifie le licenciement du salarié pour motif étranger rendant la poursuite du contrat de travail.

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Maître Lysa HALIMI

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